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Belfort 1307 L'éveil à la liberté Actes du Colloque de Belfort 19-21 octobre 2006 pages 277-285
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A 4 km de Belfort, sur la commune d’Andelnans, il y avait une commanderie (alias préceptorie) de l’ordre de Saint-Antoine, située dans un lieu boisé et isolé appelé Froideval. C’est là qu’une fois par an, la ville de Belfort avait coutume de se rendre en procession. Pourquoi ce choix de ce site ? Jean Delumeau apporte peut-être un élément de réponse «la procession hors des villes était souvent aimantée par une sacralité dont les composantes étaient l’insolite, le reculé, le sauvage, le mystérieux, voire le menaçant» (1) . La situation de Froideval dans un vallon solitaire et sauvage, que les textes du 17ème siècle évoquent encore (2) , peut expliquer la destination de la procession.
(2) AHR 36H 57/14 ... auß einer solcher einöde, wie Kaltenthal gelegen ist …
Scène de fête. Livre d’heures de l’empereur Maximilien Ier. Dessin d’Albrecht Durer
Staatsbibliothek Münich, fol. 56v.
Avant d’aborder la fête de la Froideval il faut présenter brièvement la maison religieuse de Froideval et les relations qu’elle a eues avec la ville de Belfort. La première mention sûre de Froideval, pour l’instant, est une lettre d’indulgence de 1383, qui dit que «les bâtiments de la préceptorie de Froideval, son église et son hôpital, dans lequel on avait autrefois coutume de recevoir les pauvres du Christ, sont à tel point ruinés et... ses revenus tellement diminués..., à cause des troubles des guerres, de l’épidémie et du recul de la population» (3) , qu’il est nécessaire de lui accorder cette indulgence pour financer sa restauration. Donc, à cette date, Froideval a déjà un passé il faut admettre qu’il y a eu au moins une première période de croissance avant la crise qui l’a ruiné, et l’allusion à l’épidémie et au dépeuplement semble permettre de dater le début de la crise de 1348. Froideval doit donc remonter avant cette date. Autre question importante à quel moment l’hôpital de Froideval est-il confié à l’ordre de Saint-Antoine ? Rien ne prouve que Froideval ait été un hôpital antonin dès le départ. Si on observe ce qui s’est passé en Franche-Comté et en Lorraine, on se rend compte que de nombreux hôpitaux en difficulté ont été donnés à l’ordre de Saint-Antoine au courant du 13ème et du 14ème siècle. C’est ce qui s’est passé à Aumonières, un hôpital probablement fondé par les sires de Vergy et de Fouvent, et dédié à sainte Madeleine. Plus tard, il est donné aux Antonins et se trouve désormais sous le double vocable de sainte Madeleine et de saint Antoine (4) . C’est peut-être aussi ce qui s’est passé pour Froideval après la décadence liée aux épidémies et aux troubles du 14ème siècle. En effet, dans la charte de 1383, il est explicitement question d’un pèlerinage à saint Eloi à Froideval (5) . Il semblerait donc que saint Eloi ait été le patron primitif de l’église, avant que les Antonins n’en prennent possession. Mais en 1383, elle est dédiée à la fois à saint Antoine et à saint Eloi. C’est donc au plus tard à cette date que Froideval appartient à l’ordre de Saint-Antoine, qui est spécialisé dans le traitement de l’ergotisme, une affection due à l’ingestion d’ergot de seigle, et de toute forme de gangrène (6) . Il s’agit là d’un ordre très centralisé, dont la maison-mère se trouve à Saint-Antoine-du-Viennois, à mi-chemin entre Valence et Grenoble. Il est organisé en commanderies générales, dont dépendent à leur tour des commanderies sujettes (7) . Au départ, Froideval était une dépendance de la commanderie générale d’Aumonières, aux confins de la Franche-Comté et de la Chapagne (8) . Mais au fil du temps, l’ordre n’a pas pu empêcher les Habsbourg de rattacher Froideval à Issenheim, comme en témoignent les armoiries des précepteurs d’Issenheim encore visibles aujourd’hui à Froideval. (9) , dont l’artisan est un homme bien connu à Belfort, Pierre de Morimont. Il est bailli des Habsbourg en Alsace et tient d’eux en gage la seigneurie de Belfort et aussi celle d’Issenheim (10) . A ce titre, il est l’avoué des Antonins d’Issenheim. Lorsque le précepteur de Froideval, en 1459, se plaint à nouveau de «la désolation... de l’hostel et hôpital» (11) de Froideval, c’est par l’intermédiaire de Pierre de Morimont qu’il fait appel à la générosité des Habsbourg. Ceux-ci font une importante donation, en contrepartie de laquelle les Antonins célébreront pour eux deux messes par semaine, sans oublier Pierre de Morimont dans leurs prières. C’est parce qu’au temporel Issenheim, Belfort et Froideval relèvent des Habsbourg et de Pierre de Morimont, leur homme de confiance, que Froideval, à partir de la deuxième moitié du 15ème siècle, échappe à Aumonières et devient de facto une dépendance d’Issenheim.
(3) ADHR 36H 57/3, 1383 XI 7: Cum ... domus ballivie seu preceptorie Frigide valus, ordinis sancti Antonii, Bisuntinensis diocesis, necnon ecclesia et hospitalis eiusdem domus, in quo retroactis temporibus pauperes Christi recipi …consueverunt. propter guerrarum turbines ... et mortalitatis pestem ac gentium diminutionem … adeo in suis edificiis collapse et … emoluntentis suis diminute existant …
(4) CLEMENTZ E., Les hôpitaux antonins en Lorraine et en Franche-Comté », dans PAULY M. (éd.), Institutions de l’assistance sociale en Lotharingie médiévale [titre provisoire], Actes des 13e Journées Iotharingiennes, 12-15 octobre 2004, à paraître.
(5) Nos [Guillermus, cardinal-prêtre de Saint-Etienne in Celiomonte] igitur, cupientes ut ecclesio eiusdetn damas seu preceptorie, que in honore beatorum Anthonii et Eligii confessorum Christi fundata existit, et ad quam ob eiusdem S. Eligii reverentiam et honorem causa devotionis, ut asseritur, confluit populus christianus, congruis honoribus frequentetur, dictaque edificia ut prefertur collapsa et destructa construantur et reparentur, .. omnibus vere penitentibus et confessis qui in Nativitatis ... or ss. Anthonii et Eligii Christi confessorum et ipsius ecclesie dedicationis festivitotibus ... prefatam ecclesiam devote visitaverint …centum ... [et] quadraginta dies de ninutis ... misericorditer relaxamus : charte citée n. 3. - L’inventaire de 1552 mentionne encore le bras-reliquaire de saint Eloi et l’autel de saint Eloi : AHR 36H 57/10, 1552 II 28.
(6) ... damas ballivie seu preceptorie Frigide valus, ordinis Saincti Augustini, Bisuntinensis diocesis : charte citée n. 3. Le terme de preceptoria montre bien qu’il s’agit d’une maison d’Antonins, cf. n. 7.
(7) MISCHLEWSKI A., Un ordre hospitalier au Moyen Âge, les chanoines réguliers de Saint-Antoine-en-Viennois. Grenoble, 1995. Les maisons de l’ordre sont appelées préceptories ou commanderies, ces deux termes étant synonymes.
(8) Haute-Saône, arr. Vesoul, canton Champlitte, comm. Pierrecourt. Le premier commandeur connu de Froideval, frère Henry du Soulier (1420 VI 11), est un religieux d’Aumonières : ADMM H 1753 (inv. d’arch. de Bussières de 1705), p. 3-4.
(9) Il en résulte des tensions à chaque changement de précepteur à Froideval. En 1480, le précepteur d’Aumonières nomme Jean Bardolmet de Flamerans précepteur de Froideval, en remplacement de Poncet de Fayno, qui a obtenu un autre bénéfice; mais le précepteur effectif de Froideval. comme celui d’Aumonières le reconnais lui-même dans sa charte, est Jean Jacquat : AHR 36H 57/5. Il s’agit sans doute pour le précepteur d’Aumonières, dont les prétentions viennent d’être reconnues par le chapitre général de 1478 (MISCHLEWSKI, Ordre hospitalier (n. 7), p. 162), de faire acte d’autorité pour le principe et sans illusions.
(10) BISCHOFF G. « Morimont », Nouveau Dictionnaire de biographie alsacienne, cahier 27, 1996, p. 2707-2708.
(11) ADHR 36H 57/1.
Scène de danse, Codex Manesse, tableau 46, début XIVème siècle, Universitätsbibliothek, Heidelberg
Venons-en maintenant aux relations que l’hôpital antonin de Froideval entretenait avec la ville même de Belfort. Comme toutes les maisons religieuses établies à la campagne (12) , Froideval possédait une maison à l’intérieur des remparts de la ville, appelée «l’ostel de Froideval» (13) . Cette demeure était non seulement un pied-à-terre pour les Antonins se rendant à Belfort, elle permettait aussi de mettre à l’abri des murailles de la ville, les choses précieuses, en l’occurence le lard, les archives et des ornements liturgiques (14) . En effet, pendant la Guerre des Paysans, les Antonins d’Issenheim ont mis à l’abri 50 flèches de lard à Froideval, puis dans leur maison derrière les remparts de la ville de Belfort, où elles ont quand même été pillées (15) . Les archives aussi étaient conservées en ville. En 1559, la Régence d’Ensisheim demande au précepteur d’Issenheim à quel titre Pierre Amyot avait tenu Froideval. Il répond qu’il n’a rien trouvé dans ses papiers, sans doute parce que des archives de Froideval ont péri lors du dernier incendie de Belfort, où elles étaient conservées (16) . Nous avons là un autre type de relations entre Froideval et Belfort.
(12) C’est aussi le cas du prieuré bénédictin de Froidefontaine : de VILLELE B., Belfort à la fin du Moyen Age, Thèse de 3e cycle multigraphiée, Besançon 1971, p. 62. Voir aussi la n. suivante.
(13) AMB CC 2/3, p. 25, 1470: item baillé à serrurier pour avoir reffait la chaîne du puis devant l’ ostel de Froideval, pour ce 4 d.; AMB CC 2/9, p. 23, 1479 : l’ostel de Froidevalx. - En 1504, Gaspard de Morimont, fils de Pierre, vend à frère Jehan Jaiquet, prestre, commandeur de Froydeval près Belfort, une maison à Belfort en la rue contiguee et descendant près des murs du fort de ladite ville de Belfort, derrière la porte de ladite ville dicte porte de l’Ale, tirant à la tour dicte les Châitres, à coté de Froidefontaine : AHR 36H 59. On ignore si cette maison succède à la précédente comme hôtel urbain de la commanderie, ou si elle est destinée à d’autres usages.
(14) AHR 36H 57/10, inventaire de 1527 : Im huß zu Beffort : item eyn trog darinnen eyn vergulter kelch. Item eyn indult oder ablaß buch zu Rom vorgangen. Item VI altar tucher...
(15) AHR 1C 4011, 1530 VIII 11, accord négocié par la Régence d’Ensisheim entre Diebold von Hagenbach, administrateur d’lsenheim, et hern Anthonien Agnus de Amonyers )Aumonières), sur leurs prétentions réciproques, portant notamment sur ces 50 seyten specks;. cf. aussi AHR 1C 4024, rapport [de Hagenbach, en 1530, en vue de la même négociation] dans lequel il réclame une part du dédommagement obtenu par Froideval pour le lard et le beurre qu’Issenheim y a envoyé au temps de la Guerre des Paysans, et qui ont été pillés.
(16) AHR 1C 4014, 1559 IV 1 : ... in der nechsten brunst, so zu Beffort gewesen. - Pierre Amiot, d’une famille origi-naire d’Andelnans (AHR 36H 57/3bis, 1491) a été précep-teur d’lssenheim au moins de 1535 (AHR 36H 10) à 1551 (AHR 36H 7/1, cahier 14, f° 41-42), et de Froideval peut-être de 1538 (AHR 36H 57/3a) à 1558 (AHR 1C 4014).
Nous en arrivons enfin à la fête de Froideval, qui dans tous les livres de compte de la ville de Belfort au 15ème siècle est appelée «la Froideval» et jamais la fête des bergers. Elle avait lieu le premier dimanche du mois de mai et correspondait à la dédicace de l’église. Une première question s’impose : depuis quand cette fête existe-t-elle ? Elle est citée dans le premier livre de compte municipal de 1432, mais elle est bien plus ancienne. Une messe fondée à Froideval avant 1418 devait être célébrée «le lendemain de la fête de Froidevals» (17). A cette date, la Froideval est donc déjà un repère dans le calendrier, tout comme l’étaient les fêtes de saints. Cela suppose que la fête existe depuis un certain temps. A-t-elle pris naissance à la suite des indulgences accordées à certaines dates dont le jour de la dédicace - en 1383 pour remettre la maison à flot (18) ? Est-elle plus ancienne ? Une seule chose est sûre elle est duement attestée au début du 15ème siècle, et elle apparaît régulièrement dans les comptes municipaux comme repère dans le calendrier. Il y a par exemple des dépenses qui ont été faites par la ville de Belfort le lundi après la Froideval de l’an 1462 (19) , ou le samedi devant la Froideval (1476), ou encore la semaine après la Froideval (1476) (20) .
Sur le déroulement de cette fête, nous disposons de deux catégories de sources, dont chacune donne un éclairage fort différent. Il y a d’une part les comptes de la ville de Belfort, partiellement conservés depuis 1432. Ils sont en français et permettent de saisir ce qu’était la Froideval à l’époque médiévale. D’autre part, les archives des Antonins d’Issenheim et de la Régence d’Ensisheim, rédigées en allemand et en latin, font revivre la fête de la Froideval à l’époque moderne. Au Moyen Age, la Froideval est la fête de tous les Belfortains. Les comptes de la ville montrent que cette fête correspond à un déplacement de la ville toute entière sur le site de Froideval, pendant toute une journée. Cela suppose une certaine organisation, car il faut prévoir des gardiens pendant que la ville est laissée vide; il faut aussi au préalable acheminer le vin à Froideval. Les comptes nous révèlent encore que ceux qui ne pouvaient se rendre à Froideval même, les gardiens des portes par exemple, célébraient la Froideval en buvant un coup en ville (21) . Le compte de 1461 précise même que l’on a donné une channe de vin aux deux portiers «pour qu’ils fussent plus diligents de garder la porte» (22) . On ignore si le procédé était bien efficace. Symbole de la ville, la bannière de Belfort était portée en procession jusqu’à Froideval par les bourgeois (23) .
Comme la plupart des manifestations festives à l’époque médiévale, la Froideval a un double caractère, religieux et laïc. Pour l’époque médiévale, grâce aux comptes, nous pouvons saisir une partie des aspects laïcs de cette fête. L’un d’eux a déjà été évoqué le vin. Au fil du temps, on en consomme de plus en plus; on tenait d’ailleurs à boire du bon vin, qu’à l’occasion on faisait même venir d’Issenheim (24) . Certaines années des dépenses sont aussi mentionnées pour la nourriture, par exemple du pain, du fromage, «de la belle chaire», «un chevril» (25) . Par ailleurs, il n’y a pas de fête sans musique. Entre 1457 et 1473, des ménétriers sont cités à plusieurs reprises. Ils touchent un salaire pour avoir «corné» à la Froideval (26) , ce qui indique qu’ils utilisent des instruments à vent. A partir de 1494, ces ménétriers sont appelés des «taborins» (27) . Sur la Froideval proprement dite venait se greffer une autre fête, qui était très prisée au Moyen Âge, et qui est évoquée dans de nombreux documents littéraires ou artistiques. Ce jour-là, le premier dimanche de mai, le renouveau de la nature était célébré de différentes façons. L’église de Froideval était ornée de mays ou feuillages par les sept bangards de Meroux et Vézelois (28) . Par ailleurs, d’après les livres de compte des années 1461 et 1462, les filles qui cueillaient le mai avaient droit à une channe de vin (29) . Le compte de 1536 signale une dépense pour les filles «chantant le mai» (30) . Une question se pose donc que signifie «cueillir le mai» et «chanter le mai» dans ce contexte ? D’après van Gennep, «faire la quête» se dit dès le Moyen Âge courir, quérir ou chanter le mai (31) . Il en est peut-être de même pour l’expression «cueillir le mai» utilisée dans la comptabilité de la ville de Belfort. De façon significative, à partir de 1531 (32) , cette dépense pour les filles qui cueillent le mai est la seule qui apparaisse encore dans les comptes municipaux, comme si désormais la fête de la Froideval se limitait à cela pour les Belfortains. Aux l7e et 18e siècles, les dépenses pour la fête de la Froideval n’apparaissent plus du tout dans les livres de comptes de la ville. Une seule fois, en 1679, le Magistrat fait appel aux vertus de saint Antoine en payant une livre «pour une sainte messe célébrée à Froidevaux à l’honneur de saint Antoine pour le bestial» (33) sans doute s’agissait-il de conjurer une épizootie, saint Antoine étant aussi un protecteur des animaux. A la lumière de ces éléments, la Froideval apparaît comme la fête du printemps de la ville de Belfort à l’époque médiévale. En effet, en été, le 25 juillet, on célèbre saint Christophe, le patron de la ville. En hiver a lieu un carnaval citadin, une fête des fous, pour laquelle le Magistrat de Belfort engageait aussi des dépenses. Et au printemps, le premier dimanche de mai, les Belfortains vont à Froideval, pour des réjouissances paysannes. Georges Bischoff ajoute «ce sont les retrouvailles d’une ville et d’un terroir» (34) .
(17) Elle est mentionnée dans AHR 1C 4018, 1418 VI 23, copie.
(18) AHR 36H 57/3.
(19) AMB CC 1/13, p. 29.
(20) AMB CC 2/8, p. 24-25.
(21) AMB CC 1/11, p. 19, 1457 : Item baillé pour trois tinnes de vin bues tant à Froideval le jour de la feste ranime à Belfort, pour ce 30 ß.
(22) AMB CC 1/12, p. 40. L’année suivante, une grande partie des Belfortains reste en ville le jour de la Froideval (guerre ?), mais la commune paie un écot pour ceux qui demorèrent d’aler à Froidevalx, c’est à savoir pour le prévost, la plus part du Conseil et de la communauté : AMB CC 1/13, p. 28
(23) AMB CC 2bis/2, p. 30, 1488 : dépense de 12 d. pour teindre ( ?) le pannon ou pavillon de Belfort.
(24) ADHR 36H 20, 1625 V 3 : à cette date, le chariot transportant le vin d’lssenheim à Froideval s’est embourbé à Guewenheim, sur la route d’Issenheim à Belfort, à l’est de Masevaux.
(25) AMB CC I/Il, 1457, p. 19.
(26) AMB CC 1/12, 1461, p. 40. En 1462 et 1466, Perrin et son fils apparaissent dans les comptes comme ménétriers AMB CC 1/13, p. 28, et CC 2/1, p. 23.
(27) AMB CC 2bis/6, p. 26.
(28) AHR 36H 58, Intventaire et estat des papiers de Froideval renouvelé le 28e May 1684 . Aux 7 planteurs de may ou feuillages on donne un pot de vin chacun et 2 petits gasteaux de pain gaufré. C’est pourtant un abus. AHR 36H 57/11 : l’an donne un dîner médiocre avec chacun une pinte de vin aux banvars et Maîtres bourgeois de Méru et Vesselois, qui sont sept ; ils sont obligés de venir bastier l’église et mettre des mays la veille de Sainct Jacques et Sainct Philippe [= du 1er mai] et la veille de la dédicace.
(29) AMB CC 1/12, p. 40. Idem en 1462.
(30)
AMB CC4/ll,f° 30v.
(31) GENNEPA. van, Manuel de folklore français contemporain, Paris, 1949, 1/4, p. 1575. Par contre, pour BACH-TOLD-STÄUBLI H., Handwörterbuch des deutschen Aberglaubens, Berlin-Leipzig, 1932-1933, V, c. 1516, pour la cueillette du feuillage, on utilise souvent l’expression « den Mai suchen » (chercher le mai).
(32) AMB CC 4/9, f° 55r; CC 4/11, 1536, f° 30v; CC 4/13, 1540, f° 47r.
(33) AMB CC 9/8, f° 15e.
(34) BARADEL Y, BISCHOFF G., LARGER A., PA-GNOT Y., RILLIOT M., Histoire de Belfort des origines à nos jours, 1985, p. 95.
Mais la Froideval était aussi une fête religieuse qui attirait beaucoup de monde. Le 6 mai 1602, plus de mille personnes sont présentes (35) . Le montant des offrandes trouvées dans les troncs est un autre indicateur de la fréquentation assidue du pèlerinage en 1530, les aumônes pour la fête de la saint Antoine (17 janvier) se montent à trois livres, autant pour la saint Eloi (1er décembre), mais 18 livres pour la fête de la Dédicace de l’église (36) . Ce jour-là, la foule arrive en procession de Danjoutin, Chèvremont, Vézelois, Phaffans. Ceux qui portent la croix et la bannière ont droit à une soupe, de la viande et un pot de vin (37) . De bon matin, le maire de Dorans et trois autres personnalités de l’assistance portent le buste de saint Antoine lors de la procession organisée pour bénir les fontaines qui sont près de l’église (38) . Ces fontaines nous rappellent que les pèlerins venaient à Froideval pour chercher de l’eau de Saint-Antoine, une eau réputée guérir les affections gangréneuses. Ensuite, vers 9 heures, la grand’ messe commence; après l’évangile, le prédicateur monte en chaire. Pendant ce temps, un homme distribue des petits bouts de bougie et un autre, tenant un petit plat à la main, demande des aumônes pour l’église de Saint-Antoine (39) . Cette relation de la fête de la Froideval date du 18e siècle. La participation des Belfortains n’est plus évoquée. Ce qui n’apparaît plus explicitement non plus, c’est le privilège accordé en 1502 par le cardinal Raymond Péraud de porter, le jour de la Froideval, le Saint-Sacrement comme à la Fête-Dieu (40) . Les cérémonies religieuses se poursuivent l’après-midi avec les vêpres, puis le curé reconduit la procession (41) . Mais, comme on l’a déjà vu pour l’époque médiévale, l’ambiance n’était pas seulement à la prière et au recueillement. Un historique du 18e siècle évoque la foire qui se tenait ce jour-là, les marchands et les cabaretiers qui servaient à manger aux pèlerins. Les participants à la fête aimaient également danser, au grand déplaisir du précepteur d’Issenheim, qui déplorait les bagarres résultant de ces danses (42) . En 1613, il ne cache pas sa satisfaction devant l’interdiction de cette «danse diabolique» (43) par la Régence désormais, «au lieu d’une jeunesse turbulente, il ne vient que de pieux pèlerins» (44). Quant aux filles de mauvaise vie susceptibles de se cacher dans les bois, l’auteur de l’historique se veut rassurant «elles trouvent moins à se cacher dans les bois ces jours de foire que d’autres jours, parce qu’on arrive à Froideval par plusieurs chemins qui viennent de tous cotés» (45) . De toute façon, le service d’ordre est assuré par le grand maire de l’Assise, assisté d’un sergent et de trois ou quatre hommes (46) . Malgré ces dispositions, les Antonins ont cherché à supprimer la foire liée à la Froideval. L’auteur de l’historique rappelle sèchement qu’»il ne dépendoit pas du commandeur d’Issenheim de supprimer ces foires; elles regardent le seigneur de Belfort, qui prétendoit les maintenir» (47)
Aux 16e et 17e siècles, un certain nombre de coutumes liées à la Froideval pèsent dans le maigre budget des Antonins. En 1598, ils rechignent à servir le traditionnel repas au grand maire de l’Assise, à son sergent et aux autres officiers de justice (48) . En 1613, ils invoquent la suppression de la danse diabolique pour solliciter de la Régence l’annulation du service d’ordre le jour de la Froideval. Une telle disposition permettrait au couvent d’économiser les frais de repas (49) . En 1699, les Antonins reconnaissent qu’après les vêpres, les petits bergers des communautés de Botans, Dorans, Andelnans, Danjoutin, Argiésans, Banvillars et Bavilliers, viennent demander une pinte de vin pour chaque communauté et un sol de pain (50) . Pour l’année 1605, les dépenses occasionnées par la fête de la Froideval ont été soigneusement notées. Là encore, les bergers de Botans, Danjoutin et Andelnans et les bangards de Belfort et de Danjoutin reçoivent de menues gratifications sous la forme de pain, de fromage, d’œufs et de vin (51) . Dans les sources, ce n’est donc qu’au17e siècle qu’apparaissent les bergers des villages situés autour de Froideval. Cela ne veut bien sûr pas dire qu’ils ne participaient pas à la fête avant cette date. Au contraire, il est probable que les bergers entrent en scène au plus tard en 1459, date à laquelle l’archiduc d’Autriche accorde aux Antonins, entre autres, le droit de parcours pour les animaux de la commanderie sur les terres de dix villages voisins (52) . La participation des bergers à la Froideval, les gratifications qui leur étaient accordées, sont probablement en lien avec le droit de parcours accordé aux animaux de la commanderie. De façon significative, en 1699, les Antonins, qui cherchent à faire des économies lors de la Froideval, n’envisagent pas la suppression des gratifications dues aux bergers on les leur accorde, écrivent-ils, pour éviter les dommages qu’ils pourraient faire aux bêtes dans les pâturages (53)
Scène de repas, Weltchronik, 1459 BM. Colmar, ms. 305, f. 76 r.
(43)AHR 36H 57/15 : der teufflisch dantz, uß welchem nichts guets khommen ist, noch khann …
(48) AHR 36H 57/11, 1598 I 28.
Image Scène de repas, Weltchronik, 1459 BM. Colmar, ms. 305, f. 76 r.
En conclusion, la Froideval apparaît comme une fête qui marque profondément la vie des Belfortains à l’époque médiévale. Comme toutes les fêtes des sociétés pré-industrielles, elle est un reflet de mentalités collectives, dans lesquelles se mêlent sentiment religieux et folklore. A l’époque moderne, la sociabilité des habitants de Belfort évolue. Désormais la ville, rattachée au royaume de France depuis 1648, vibre au rythme des grands événements politiques en 1679, on distribue de la poudre aux bourgeois et on allume des feux de joie pour célébrer la paix de Nimègue (54) en 1723, lors du sacre de Louis XV, la ville organise à nouveau un feu de joie et distribue 27 mesures de vin aux bourgeois (55) . Les horizons des Belfortains se sont élargis, et la Froideval semble n’être plus pour eux qu’un souvenir.
Je tiens à remercier M. Georges Bischoff pour les conseils qu’il m’a prodigués. Les principaux travaux à consulter sont:
DUBAIL-ROY et KLIPFFEL, « Froideval et la fête des bergers », Bulletin de la Société Belfortaine d’Emulation, 1894, p.1-16 SCHAEDELIN F.,
« La commanderie de Saint-Antoine à Froideval près Belfort ». Revue d’Alsace 78, 1931, pp. 285-305, 442-465, 621-636, 738-757, plus particulièrement p. 745-757: « La Fête de Froideval » ; CLEMENTZ E.,
Les Antonins d’Issenheim. Essor et dérive d’une vocation hospitalière à la lumière du temporel, 1998 (index sous Froideval).
Sigles utilisés
AUR : Archives départementales du Haut-Rhin
ADMM : Archives départementales de Meurthe et Moselle
AMB : Archives municipales de Belfort
Questions-débats, samedi 21 octobre, après-midi
Pelerins , Weltchronik, 1459 BM. Colmar, ms. 305,f .180 r.
Question
Que signifie l’Assise ?
Mme Clementz
Il s’agit d’une circonscription. Elle est citée par la coutume de Bonvalot en 1596, qui est la copie d’une coutume plus ancienne.
M. Grudler
L’Assise est un ruisseau au sud de Belfort. La grande mairie de l’Assise est une des seigneuries de Belfort depuis le Moyen Âge avec comme principal village Danjoutin.
M. Metz
M. Leguay a fait état au XVIe siècle de la décadence des bains. En Alsace, j’ai l’impression au contraire que l’on atteint au XVIe siècle l’apogée de la culture balnéaire. Les étuves sont en grand nombre en Alsace encore jusqu’au dernier tiers du XVIe siècle où elles disparaissent, mais il faudrait vérifier.
En ce qui concerne la propreté, un conflit de voisinage à Kintzheim indique que l’on a le droit de jeter certaines ordures dans la rue.
M. Leguay
Les étuves n’ont pas disparu au XVIe siècle. mais elles deviennent des lieux mal famés. Quant à la propreté, il existe au Moyen Âge un lieu appelé «devant soi», c’est-à-dire devant chez soi où l’on jette les ordures. Il faut noter toutefois que le pavé s’abaisse vers le caniveau central et qu’il existe une rigole en bordure de chaussée. Les rues étant souvent en pente, il ne reste plus qu’à attendre l’orage qui lessivera la chaussée et entraînera les ordures vers les portes en contrebas.
Question
Quelles solutions s’offraient aux habitants du Moyen Âge en matière d’ assainissement ?
M. Leguay
J’ai déjà évoqué le caniveau, mais l’on construit beaucoup d’égouts aux XIVe et XVe siècles, en utilisant des tuyaux en bois ou en terre cuite. Les sections d’égouts sont toutefois plus faibles qu’aujourd’hui et ont tendance à se boucher.
M. Reboul
Quelles sont les relations entre les militaires et le Magistrat en matière de police et d’hygiène plus particulièrement?
M. Pagnot
C’est une question que je n’abordais pas dans le cadre de ma communication puisque j’étudiais les pouvoirs propres en matière de police de l’exécutif municipal. Je peux seulement indiquer que dans certains règlements comme en 1689, on se préoccupe de l’enlèvement des fumiers devant les casernes qui sera payé par les particuliers ayant des chevaux dans ces casernes. D’une manière générale dans une place de guerre comme Belfort, le pouvoir civil ne l’emporte pas sur celui des militaires.
M. Metz
Au Moyen Age et à la période moderne, les latrines sont des fosses qu’il faut vider périodiquement et constituent une servitude pour les propriétaires. Au XIXe siècle au contraire, les latrines constituent une ressource et les paysans, c’est le cas de ceux du Kochersberg à l’ouest de Strasbourg se les disputent pour engraisser les champs.
M. Marchand
La fête des bergers constitue une perspective plus agréable pour terminer ce colloque que ce qui vient d’être évoqué.